Xavier Bettel, arrêtons de masquer les questions essentielles de notre vivre-ensemble

Lettre ouverte à Xavier Bettel et son gouvernement
Par Sabine et Serge Tonnar-Stoltz

Le 1er mai 2020, nous avons publié notre pétition intitulée Ons nei Heemecht, Mieux vivre au Luxembourg. Les auteurs et les signataires de cette pétition souhaitent que la qualité de vie, la solidarité, la santé et la durabilité soient déclarées priorités incompressibles de l’action politique au Luxembourg.

Le texte propose les 10 principes fondamentaux suivants (accompagnés de champs d’application concrets):

  1. une éducation juste et humaine
  2. un monde du travail équitable et flexible
  3. l’être humain passe avant l’économie
  4. le droit au logement
  5. une mobilité responsable
  6. une production et une consommation solidaires
  7. une meilleure coexistence
  8. favoriser la création régionale
  9. des voies administratives plus courtes 
  10. la solidarité internationale

La pétition est née en plein confinement, dans le souci de relancer le débat public sur les principes fondamentaux sur lesquels repose toute action politique et demande un engagement du gouvernement en faveur des dix principes énoncés. La pétition a récolté 1843 signatures, ce qui est insuffisant pour vous obliger à discuter avec nous dans une séance publique de la Chambre des Députés. Conformément au Règlement de la Chambre, son président vous a cependant demandé une prise de position dans un délai d’un mois. A cette demande, vous avez d’abord décidé de ne pas réagir du tout. Ce n’est que le 7 septembre que vous répondez à la Chambre, réponse que nous n’avons reçue que le 2 octobre. Votre réponse, au nom du gouvernement, comporte exactement deux phrases:

Les dix principes énoncés dans la pétition se retrouvent dans l’action gouvernementale tant par la mise en œuvre du programme de coalition que par sa réactivité face aux situations imprévues telles que la crise sanitaire à peine vécue. Cette action s’inscrit dans une cadre plus ample à savoir la constitution de notre pays et les traités que le Luxembourg a ratifiés et qu’il respecte.

Ces deux phrases, qui ne comportent pas de réaction concrète à un seul des dix principes énoncés et qui se limitent à une autocongratulation, sont donc le fruit de deux mois de réflexion et votre prise de position officielle à l’adresse de 1843 de vos concitoyens  qui souhaitent discuter avec vous de principes fondamentaux pour le pays que vous dirigez.

Votre parcimonieuse et tardive réponse ne fait qu’illustrer l’absence de débat de fond en politique à laquelle les signataires souhaitent justement remédier. Ce n’est pas une crise sanitaire que nous vivons, mais bien une crise politique. Le virus se propage aussi dans nos têtes, tout comme dans les vôtres, en monopolisant le débat et en masquant véritablement les questions essentielles de notre vivre-ensemble, notamment celles qui se rapportent au bien-fondé même du combat sanitaire: Pourquoi faut-il sauver l’humanité? Quelles sont les valeurs, les acquis et les actions qu’il vaut la peine de perpétuer?

Dans le septième point de notre pétition, nous demandons que des mécanismes soient mis en place pour accorder à la société civile plus d’influence dans l’orientation de la politique gouvernementale. Votre apparente indifférence au seul instrument politique dont dispose le citoyen pour faire entendre sa voix, en dehors des périodes électorales, suscite notre profonde déception et confirme que nos demandes sont plus justifiées que jamais.